Est-ce que vous avez déjà entendu parler des livres dont vous êtes le héros ? C’étaient de gros livres parus dans les années 80/90. Ils ont ceci de particulier que le lecteur peut choisir, à la fin d’un chapitre, quelle sera la suite de l’histoire. Il ouvre alors le livre à l’endroit auquel il a été renvoyé et poursuit sa lecture.
Mais ça, c’était avant. Avant le numérique qui simplifie extraordinairement le format de publication et qui donne des outils simples et très accessibles pour coucher ces histoires un peu spéciales sur du papier digital. Le logiciel Twine permet cela. On peut s’en servir pour écrire de la fiction, certes, mais aussi pour concevoir du contenu pédagogique. On vous explique !
TWINE, un petit software mais de gros atouts
Twine c’est un mix entre un éditeur de texte dans lequel on construit une histoire par petits chapitres et un outil de programmation pour relier ceux-ci entre eux, en fonction des choix de l’utilisateur. Précisément donc de quoi créer du contenu interactif et non linéaire.
Il existe d’autres logiciels avec des fonctionnalités similaires. S’ils ont leurs avantages, Twine a des mérites qui valent bien le détour.
L’interface d’édition de Twine rend très claire la structure avec les différents chapitres (blocs blancs) et les liens qui existent entre eux (flèches).
> Gratuit et open-source
Parmi les bonnes choses, mentionnons d’emblée le fait qu’il est gratuit : pas besoin de débourser quelques dizaines ou centaines d’euros pour se le procurer. Il suffit d’effectuer une petite visite sur le site officiel www.twinery.org et vous serez en quelques minutes prêts à démarrer. Vous pourrez même proposer à vos apprenants de s’y essayer, si cela apparait pertinent dans votre formation.
Qu’un logiciel soit open-source signifie qu’on peut accéder au code informatique : c’est d’une part la preuve d’une démarche très ouverte dans le chef des concepteurs mais aussi l’opportunité de s’approprier le code pour mener des projets plus spécifiques. C’est ce qu’a fait Netflix pour produire le film interactif Bandersnatch (2018). Non seulement, l’équipe de réalisation a utilisé Twine pour concevoir le script mais elle a, en plus, emprunté des morceaux de code pour les intégrer dans l’application de visionnage qu’on retrouve sur leur site.
> Une interface claire et abordable
Les projets non linéaires peuvent vite devenir confus à cause de la multiplicité des branchements. Si l’équipe de Bandersnatch a choisi Twine, c’est parce que son interface est particulièrement claire et lisible.
Le spectateur de Bandersnatch doit constamment effectuer des choix qui sont décisifs dans le cours de l’histoire. Le film compte cinq fins très différentes les unes des autres
De même, il faut peu de temps pour se familiariser avec les outils d’édition de base. Nous avons conçu un tutoriel d’une vingtaine de minutes qui devrait vous permettre de vous lancer dans votre premier projet :
Les fonctionnalités de base sont suffisantes pour créer des contenus très qualitatifs.
La narration ou le storytelling, sont déjà des forces puissantes pour contribuer aux apprentissages. En allant un peu plus loin dans la maitrise, on peut y ajouter des éléments multimédias, aussi bien son, images que vidéos. Il y a aussi une grande marge de personnalisation esthétique du texte, des éléments cliquables et des animations grâce à l’utilisation de CSS.
Voici un exemple de contenu de elearning un peu plus stylisé , réalisé par Christy Tucker, une ingénieure de formation américaine.
Dernier élément, mais non des moindres, est la possibilité d’employer d’éléments de programmation, comme des conditions logiques, des variables ou même des fonctions (appelées macros dans le logiciel). Cela exige un niveau de maitrise supplémentaire mais ça reste abordable et peut s’apprendre assez facilement. On pourrait même imaginer s’en servir comme outil d’initiation à la programmation.
Ce qui est assez impressionnant avec Twine, c’est l’éventail du niveau des réalisations possibles. On peut prendre en main l’outil et faire un projet simple après quelques minutes de familiarisation mais on peut aussi s’en servir pour de grosses productions hollywoodiennes.
> Des histoires interactives et non linéaires : pour quoi faire ? Quelques exemples.
On peut se demander comment utiliser ces fonctionnalités et pourquoi elles nous intéressent particulièrement pour soutenir les apprentissages. Elles rendent assez facile l’implémentation de mécanismes de simulation ou de gamification.
Nous avons recensé plusieurs exemples particulièrement inspirants. Ils nous donnent par ailleurs un aperçu de l’étendue des possibles en termes d’application. Ceux-ci sont malheureusement, essentiellement rédigés en anglais.
La simulation, de la sensibilisation à l’apprentissage de gestes métier
Les histoires font fonctionner notre imagination à plein régime. On se plonge volontiers dedans, d’autant plus quand on est soi-même placé dans le rôle du protagoniste et qu’on est confronté à des choix compliqués, parfois dilemmatiques. Ces décisions à prendre peuvent être engageantes sur le plan cognitif mais aussi pour nos émotions.
C’est le cas de ce récit créé par la BBC sur base de témoignages réels. On y incarne un.e Syrien.ne, dont le pays est ravagé par la guerre, qui essaie de rejoindre l’Europe ; le trajet est semé d’embûches et il est extrêmement difficile d’arriver à destination. On entre forcément en empathie avec le personnage fictif et par extension, on est sensibilisé à la précarité réelle de millions de Syriens.
On peut aussi former à certaines réactions un peu extraordinaire ou à développer certains réflexes liés à un métier. Il est par exemple envisageable de concevoir un scénario d’incendie dans lequel il faut évacuer un bâtiment et vérifier que toutes les actions de sécurité ont été effectuées. Ou encore créer des simulation d’entretien entre un.e aide-soignant.e et un.e patient.e pour travailler tel ou tel aspect de la communication.
Voici par exemple une histoire qui nous met dans les chaussures d’un anesthésiste qui étudie le dossier de patients atteints de douleurs chroniques. Le but est d’aiguiser l’analyse des praticiens et de leur permettre de détecter plus efficacement les pathologies. C’est bien sûr un entrainement et il y a place pour l’erreur. La force de la simulation, de manière générale d’ailleurs, est de limiter les conséquences négatives dans la vraie vie, une fois que la personne exerce réellement son métier.
Nous nous sommes nous-mêmes prêtés à l’exercice et avons préparé une histoire relativement simple en guise d’exemple. Il en va d’un jobiste étudiant qui se retrouve à faire l’ouverture d’une salle de concert pour la première fois. Évidemment, plusieurs situations complexes surgissent et il convient de les traiter avec précaution. Dans cette simulation, on a glissé quelques feedbacks, qui sont émis par un personnage tiers.
Une expérience de gamification
Il est également possible de constituer une histoire un peu ludique pour faire découvrir ou favoriser la compréhension de concepts un peu abstrait.
C’est ce que réalise assez bien ce jeu qui nous plonge dans le métier assez particulier d’ethnolinguiste. Nous sommes alors confronté à la langue Lingu : en étudiant ses caractéristiques, nous faisons la découverte de notions de linguistique générale.
Dans le jeu Anne Boleyn, le joueur incarne le personnage éponyme, reine d’Angleterre au 16eme siècle, qui se retrouve enceinte inopinément et dès lors une situation compliquée. Il faut la jouer fine pour arriver à ne pas éveiller les soupçons de la cour. S’il y a une dimension stratégique, c’est aussi l’occasion de lire des éléments biographiques et historiques intéressants.
Retrouvez un tas d’autre histoire à propos de personnages de l’antiquité sur ce site.
Outre les découvertes, il est également possible de vérifier des acquis au travers de petites épreuves.
Le jeu Biochemadventures semble destiné aux biochimistes. Ceux-ci peuvent tester leur maitrise théorique au travers d’un quiz scénarisé. Le storytelling, ici, renforce la motivation et l’investissement cognitif fournis.
Un des grands avantages des scénarios que Twine nous permet de concevoir est qu’on peut introduire des feedbacks, soit au cours de l’histoire – de manière explicite ou bien dans les conséquences de nos choix ou par la voix d’autres personnages -, soit à la fin de l’histoire dans un récapitulatif. Il est par ailleurs possible d’imaginer des sessions de simulations individuelles et puis un débriefing collectif.
Et pourquoi pas vous ?
Après avoir pris connaissance de ce qu’il était possible de faire avec Twine, en termes d’histoires interactives, pourquoi n’en réaliseriez-vous pas vous-même ?
Les possibilités sont multiples :
- Une chambre des erreurs
- Une mise en situation dans un moment de crise
- Un exercice d’application d’un protocole très précis
- La découverte de certains aspects d’une nouveau métier
- Une activité de cours dans laquelle les étudiants inventent un scénario et le font jouer aux autres de la classe
- etc.
Vous faites partie d’une institution partenaire de Form@Nam et vous souhaitez un accompagnement dans la prise en main de Twine ? N’hésitez pas à nous contacter !